texte n°3 - Le Mariage de Figaro (1784) - Acte III scène 15 (extrait)
(présenter rapidement l'auteu et la pièce en prenat modèle sur le plan 1)
Le procès de F contre M a été décidé par le Comte à la suite de la grande confrontation de l'acte III, Sc 5 à la fin de laquelle le comte comprend que Suzanne l'a trahi. Il décide donc de se venger en faisant épouser Marceline à Figaro. La scène 5 de l'acte III est une scène centrale de la pièce même n'apporte rien en elle-même du pt de vue dramatique; elle est directement liée aux déboires personnels de l'auteur avec la justice. En effet, il avait reçu une donation d'un banquier et son légataire universel lui contestait ce bien et il s'en suivit huit ans de procès, de 1770 à 1778 avant que Beaumarchais puisse obtenir gain de cause. Il retire de cette expérience une grande connaissance de la procédure et de ses excès, qu'il transpose dans sa pièce. En effet, la scène 5 dont vous allons expliquer un extrait, porte sur une reconnaissance de dette signée par Figaro qui s'accompagne ou non d'une promesse de mariage. L'enjeu est important parce que, de la décision dépend le destin de trois personnes : Figaro Suzanne et Marceline et c'est pourquoi la contestation donnera lieu à un combat acharné entre Figaro et Bartholo, l'avocat de Marceline sous la présidence d'un juge et d'un greffier stupides et incapables.
En quoi la scène fait-elle la satire des dysfonctionnements de la justice de l'Ancien Régime ?
C'est ce que nous étudierons en traitant tout d'abord la querelle d'interprétation , puis la satire du personnel de justice et des avocats.
I. La querelle d'interprétation est déclenchée par la lecture de la reconnaissance de dette de Figaro, un acte écrit à la main et donc susceptible de transformations de la part du bénéficiaire comme il n'y a pas de double et ce genre de pratiques était courant à l'époque. Cette histoire qui pourrait être dramatique, est traitée sur le mode comique par une série de coups de théâtre et rebondissements de plus en plus cocasses.
a) la première partie est la querelle qui porte sur l'hésitation entre ET et OU. Le comique vient que de ce mot de deux lettres dépend la vie d'un homme d'où une violente querelle entre Bartholo et Figaro où chacun affirme strictement le contraire de l'autre.(citation)
b) La querelle sur le et /ou est interrompue par un suspens comique quand Brid'Oison ordonne à Double-Main de lire la pièce; celui bafouille et son bégaiement se confond avec la lecture si bien que l'on a « Et ou Et ou ». La mise en scène que nous avons vue, soulignait le comique de ce suspens par un jeu de scène très réussi puisqu'une moitié de l'assistance se levait avec enthousiasme pendant que l'autre moitié, les partisans de Marceline, s'asseyait avec découragement et cela plusieurs fois de suite. Le suspens n'aboutit pas d'ailleurs, car Double-Main ne règle pas le problème puisque l'acte comporte un « pâté »
c) Premier coup de théâtre : cette première querelle se termine brutalement. Bartholo semble lâcher prise au grand étonnement de Figaro et du spectateur (citation), Figaro crie déjà victoire (citation) il veut que cela soit marqué par le greffier ds son procès verbal.
d) 2° coup de théâtre. En fait, une fausse joie pour Figaro et ruse de de Bartholo qui fait semblant d'accepter le OU pour mieux attaquer et révèle enfin que le OU qu'il défend a un accent qui indique le lieu (OÙ) et donc le lieu du mariage et donc l'accent grave change tout. Figaro s'était réjoui trop tôt et la situation repart à zéro ! la querelle va donc s'engager entre Ou avec accent et ou ss accent (de cet accent ou absence d'accent dépend donc la vie de Figaro, ce n'est même plus une lettre. Puis la scène rebondit une autre fois encore sur le problème de la virgule, problème encore plus dérisoire puisqu'il ne s'agit me plus d'un accent mais d'une simple ponctuation.
On voit donc ici qu'il y a une gradation ascendante dans le suspens, qui est inversement proportionnelle à la taille du point litigieux qui est, lui, de plus en plus petit( gradation descendante : lettre, accent sur la lettre, ponctuation dite "faible") et gradation comique. Mais les pièces peu sûres, raturées par l'une ou par l'autre des partiesne sont pas le seul problème que rencontre la Justice de l'Ancien Régime.
II. Beaumarchais fait aussi la satire des fonctionnaires et des avocats qui chacun pour leur part, contribuent à la mauvaise marche de l'institution judiciaire.
A. Les personnels de Justice.
a) le juge Bridoison. Sa caractéristique essentielle est la bêtise. Son nom est un clin d'oeil à Rabelais, grand auteur du 16° siècle qui, lui aussi, avait fait une satire de la justice et inventé le personnage d'un juge très bête : Brid'Oye càd « oie bridée » (oie à laquelle on a coupé les ailes pour qu'elle ne vole pas): déjà à cette époque, l'oie avait la réputation d'être bête: on dit aujourd'hui « bête comme une oie ». Brid'Oison est donc, au 18° siècle, le petit-fils de Brid'oye (oison est le petit de l'oie) et donc bête comme lui. Son bégaiement ajoute à la lenteur de son esprit et le rend ridicule « qu'oppo-qu'opposez-vous... »
b) le Comte le juge suprême fait semblant de respecter les règles: « Avant d'aller plus loin, avocat, convient- on de la validité du titre ? » mais on sait qu'il est à la fois juge et partie.
c) Double-Main. Sa caractéristique essentielle est d'être corrompu, comme l'indique son nom : une main qu'on voit et l'autre qui empoche ou bien il faut lui graissé la patte doublement. Lui aussi est bête, il n'arrive pas à lire et il ne se rend même pas compte qu'il déclenche un suspens terrible avec sa lecture hésitante.
B. les avocats en la personne de Bartholo.
Leurs caractéristiques essentielles sont la pédanterie, la bêtise et la mauvaise foi. En effet, Bartholo s'écoute parler, il montre sa culture en évoquant Alexandre le Grand, le grand conquérant et sa maîtresse Thalestris qui vivait en Grèce et en Orient au 3 °siècle avt J-C. Mais il n'y évidemment aucun rapport avec le modeste valet Figaro qui de plus, vit en Espagne au 18° siècle. Par la suite, il étalera ses connaissances grammaticales auxquelles Il emploie des mots compliqués: « conjonction copulative, membres corrélatifs ». L'assistance ne comprend rien à part Figaro qui a été écrivain ds une vie antérieure, comme il le raconte ds son monologue. D'ailleurs, celui-ci se méfie tellement des avocats qu'il préfère s'en passer et plaide pour lui-même. Il se moque des exemples médicaux de Bartholo et en profite pour régler ses comptes avec les médecins et les censeurs « ou la maladie vous tuera ou ce sera le médecin », « ou vous n'écrirez rien qui plaise ou les sots vous dénigreront »
Enfin , on voit que les avocats ont beaucoup de mauvaise foi, car Bartholo se bat non pas sur le fond de l'affaire mais il chicane sur des détails et il n'a en fait aucun souci de la vérité.
Ainsi cette scène, qui se trouve au milieu de la pièce, ne fait pas avancer l'action mais elle est importante et célèbre à juste titre par la satire qu'elle fait de la Justice, qui n'en sort pas grandie : que ce soit le problème des pièces, ou le problème du personnel stupide et corrompu et celui des avocats pédants, on voit que Beaumarchais a souffert et il se venge en nous faisant rire.
Le texte : Acte III sc.15
De "Je soussigné
reconnais avoir reçu "
...." Elle y était, Messieurs "
de la pièce.