texte n°1 - Le Mariage de Figaro (1784) - Acte 1, scène 1 (extrait)
la pièce de Beaumarchais le Mariage de F est la deuxième d'une trilogie; elle suit le Barbier de Séville. Le spectateur retrouve les mêmes personnages qq années après, dans le château du comte Almaviva qui délaisse sa femme, la comtesse, la Rosine du Barbier. La pièce interdite par la censure fut autorisée en 1784 et eut un immense succès car le personnage principal Figaro est un valet plein de ressources, qui se bat contre les privilèges de l'aristocratie et qui représente les aspirations des classes qui allaient faire la Révolution française qq années plus tard. L'acte I, sc 1 dont nous allons expliquer le début est une scène d'exposition. En qq répliques, Beaumarchais va nous mettre au courant des personnages, des rapports qu'ils entretiennent et nous donner les premiers éléments de l'intrigue. En quoi cette scène d'exposition est-elle réussie et parvient-elle à intéresser le spectateur ? Nous étudierons dans une première partie, l'efficacité de l'exposition de la situation et ensuite le dynamisme de la scène.
I. L'exposition : une scène d'amour, mais un mariage incertain
A. Une scène d'amour, tout de suite le spectateur comprend que les deux personnages s'aiment et s'apprêtent à se marier ds la journée. Cela se comprend à la fois par le dialogue et aussi par le décor et les objets présents sur la scène et notés par les didascalies.
1. Figaro et Suzanne s'interpellent par des mots doux :
2. Suzanne cherche plaire à Figaro et elle est soucieuse d'être la plus jolie possible. (citation).Figaro est enthousiaste, il est lyrique "Oh! que ce joli bouquet est doux..."oeil amoureux" l'interjection, l'exclamation montrent que le personnage nage ds le bonheur et que ses voeux vont se réaliser le jour même «matin des noces » et époux. cela renvoie aussi au titre de la pièce et confirme donc que nous sommes bien ds l'histoire annoncée. L'originalité étant à l'époque que le sujet de la pièce soit le mariage du valet et non plus celui du maître comme au 17° siècle.
3. Les personnages se livrent à un badinage amoureux : Suzanne exige l'obeïssance comme la dame et son chevalier servant : « es-tu mon serviteur ou non ?», Figaro feint d'être à bout et prend les spectateurs à témoin ds un aparté. On voit que les personnages sont heureux et s'amusent.
4. Ils préparent leur future installation comme le confirme la «chambre démeublée», «la toise» et le « lit » dont parlent les didascalies.
B. Des menaces sur le mariage. En effet, au milieu de tout ce bonheur on s'aperçoit que tout n'est peut-être pas si simple :
les personnages ont des obligations de service, comme le rappelle Figaro (citation). On voit qu'ils ne sont pas entièrement libres : ils doivent se lever au milieu de la nuit si leurs maîtres les sonnent et le Comte peut envoyer quand il lui plaît Figaro: « faire une bonne et longue commission » comme le dit ironiquement Suzanne et ils dépendent du comte et de la comtesse. La chambre si pratique : « le milieu de deux appartements » est aussi un lieu stratégique, qui peut servir, comme l'annonce Suzanne aux visées louches du Comte « et hop, en trois sauts » surtout que nous apprenons que celui-ci fait chambre à part avec la Comtesse. Donc très vite le lit et le bouquet virginal vont prendre une autre signification : le lit va être le symbole de l'enjeu de la pièce, du conflit « qui s'y couchera avec Suzanne ? Figaro, l'époux aimé et légitime ou bien le Comte qui peut utiliser son pouvoir ?
(Transition) Donc en qq répliques, on peut dire que le spectateur apprend beaucoup, le conflit est esquissé, le bonheur si proche et tant espéré par les protagonistes semble brutalement remis en queston de façon sournoise par un personnage surpuissant et l'intérêt du spectaeur est brusquement éveillé. Mais ce que nous apprenons, nous ne l'apprenons pas de manière didactique mais au cours d'une scène très enlevée.
II. Le dynamisme de cette scène d'exposition.
A. Une scène vive et naturelle
1. D'abord on voit que les répliques sont courtes et chacun, à leur tour, les personnages posent des questions ( qui, à chaque fois, éclairent le spectateur sur la situation; donc l'exposition ne se fait pas en sens unique comme habituellement et cela donne beaucoup de naturel et de vivacité à cette scène : trois questions de la part de Suzanne (citation) une sur le chapeau et les autres qui viennent naturellement quand elle voit Figaro mesurer « avec une toise ». Puis il y a un renversement, c'est au tour de Figaro de questionner par deux fois (citation). Puis deux questions de Suzanne, questions oratoires parce qu'elles n'appellent pas de réponse et sont plutôt la confirmation de son refus de répondre (citation), ce qui va amener Figaro tout naturellement à développer son argumentation pour convaincre Suzanne et mettre le spectateur au courant.
2. Existence d'un quiproquo comique à travers la stichomythie : Suzanne ne veut pas répondre, par une sorte de pudeur elle ne veut pas avouer si facilement que le comte lui a fait des avances et malgré les questions pressantes de Figaro, ellel refuse de parler, c'est le passage de stichomythie . Figaro qui n'a semble t-il pas vu venir le problème, croit évidemment qu'il s'agit d'un caprice féminin et s'adresse aux spectateurs mâles de la salle pour les prendre à témoins et généraliser l'habitude des caprices à toutes les femmes « ah quand elles sont sûres... ». Là encore, sur le mode comique, le spectateur partage les sentiments de Figaro et donc ses interrogations et est averti de l'importance de l'aveu.
3. La reformulation ironique des propos de Figaro par Suzanne. Pour convaincre Suzanne d'accepter la chambre, Figaro se livre à une démonstration enthousiaste, émaillée d'interjections simulant la rapidité. On l'imagine aussi les jeux de scènes très vivants : il saue du lit et il bondit sur les portes. Suzanne finit par révéler ses raisons en choisissant de parodier les paroles «zeste, en trois sauts, crac en deux pas », le ton et (on imagine) les gestes de Figaro mais en sens inverse de la porte au lit. cela done aussi de la vivacité à l'exposition
4. La question finale de Figaro, le changement de ton marqué par le passage au vouvoiement. La gaîté et l'insouciance font brusquement place à l'inquiétude et montre qu'il a tout de suite compris le danger. Le spectateur lui aussi aimerait bien des éclaircissements.
Conclusion
Cette première scène démarre très rapidement l'exposition : situation, rapport entre les personnages, esquisse du conflit mais elle le fait de façon très naturelle et dynamique : le spectateur épouse tour à tour les questions des personnages : de Suzanne d'abord, puis de Figaro et déjà l'esquisse du conflit, (celui qui ne manquera pas d'opposer le serviteur au maître) crée des attentes: le spectateur est tout de suite intéressé par savoir si le valet malgré l'infériorité de sa condition sociale l'emportera sur l'aristocrate. D'autre part, le rythme, la vivacité de la pièce annoncent bien une comédie.
Le texte :
Acte 1, sc 1
Du début à " Il faudrait
m'écouter tranquillement"
de la pièce.