4° séquence : Le lyrisme aux 19° et 20° siècles


Texte n°2 Baudelaire Fleurs du Mal(1868)

Recueillement 


Charles Baudelaire (1821-1867) fait partie de ce qu'on a appelé les « Poètes maudits » par un recueil dont le titre et le contenu firent scandale. En effet, ds les Fleurs du Mal, le poète, à l'encontre des valeurs morale de son temps, montrait l'attirance de l'homme vers le bien et l'idéal mais aussi  vers le Mal et la débauche et il osait parler de la beauté du Mal, des Fleurs du Mal. Recueillement (1868) fait partie des Tableaux Parisiens, une partie du recueil dont le cadre est la ville, lieu traditionnel de perdition pour l'homme et du spleen (càd du mal de vivre). Le poème - un sonnet en alexandrins - à l’atmosphère douce, solennelle et même religieuse par son titre : « Recueillement » marque la tentative du poète de s’isoler au milieu de la foule et de retrouver l’apaisement à la faveur de la solitude, du soir et de la nuit qui tombe.

Quel est la particularité du lyrisme de ce sonnet ?

Nous étudierons donc le mal de vivre du poète puis enfin l’apaisement qui s’installe à la faveur d’un magnifique coucher de Soleil sur Paris et sur la Seine.


I. Le mal de vivre du poète


• La douleur accompagne le poète « ma douleur, c'est une douleur existentielle ( càd elle vient du fait même de vivre, de subir la condition humaine)

B. fait d'elle une allégorie (notez le D majuscule, sorte de nom propre. A eux d'eux, ils forment une couple indissociable. Comme une compagne, elle ne quitte pas le poète et comme une compagne, elle peut se déchaîner, le torturer. Le poète s'adresse à elle avec douceur comme à une enfant pour l'apaiser car cette douleur devient insupportable avec le jour, le bruit , la foule : «  tu réclamais » « sois sage »

2. Le poète rejette les consolations de la foule vulgaire; le poète se sent différent .

• Rejet du Plaisir, de la fête; les allégories rendent la description plus concrète donc plus saisissante : le « Plaisir » est un » bourreau » qui « fouet »te une foule d' esclaves pour qu'ils s'activent davantage, se perdent dans la jouissance des sens, ce qui les conduira ensuite au « Remords » comme  seul fruit à « cueillir » de cette fête. En effet, Le Plaisir et le Remords sont indissociables, l'un ne va pas sans l'autre; c'est le plaisir, celui qu'on a ds une fête, le plaisir des sens (par le vin , le rire, les femmes) qui avilit l'homme ( et le rend esclave de ses sens : « la fête servile ») et lui apporte immanquablement le « Remords » et la honte. Pour le poète, la fête ne peut être que négative puisqu’elle est l'attirance vers ce qui est bas; il n’a que mépris pour la « multitude vile», esclave du Plaisir; : les mots choisis, la rime montrent ce mépris : « vile/servile ».

3. Invitation donc à s’éloigner de cette foule et à se « recueillir » donc à , à rassembler ses pensées, son être, après la dispersion apportée par la foule et la ville. Mouvement d’éloignement en plusieurs temps marqués par les coupes très longues,(citez et marquez les coupes) par la syntaxe (la foule et le Plaisir sont dans la proposition subordonnée avec « pendant que » , le poète et la douleur dans la proposition principale qui suit ), par les coupes et par l’incroyable rejet d’une strophe à l’autre qui marquera l’éloignement définitif : « Ma Douleur    / donne-moi la main/ viens par ici … /Loin d’eux.. » sur le premier tercet.( La phrase commence ds le 2° quatrain pour se terminer ds le premier tercet où le décor a totalement changé)

Donc de la ville des lumières et de la foule le poète et sa compagne vont se retrouver seuls dans un décor totalement différent, un paysage urbain, un coucher de soleil sous les ponts de Paris.


II. Invitation à un spectacle magnifique qui apaisera sa Douleur.


L’apaisement, le « recueillement » s’installent peu à peu dans la beauté d’une fin du jour sur Paris le long de la Seine. La Fête, la foule ont disparu, la coupure étant marquée par l'opposition traditionnelle entre les quatrains et les tercets. :

le paysage parisien devient un tableau visuel et auditif superbe.

Invitation : « vois », entends » : spectacle total visuel et auditif qui vont apaiser la Douleur : Beauté du paysage urbain à la tombée de la nuit : les ponts, le soleil qui se couche sous une arche

• Apparition de toute une série de personnifications et d’allégories. Le solitude est propice au recueillement, le passé revient à la mémoire mais au lieu que le souvenir en soit douloureux, il se transforme en des personnages amicaux ; mouvement maternel des « défuntes Années » qui se penchent tendrement vers lui depuis « les balcons du ciel » avec leur belles robes au charme « suranné » L'image est jolie et pleine de grâce, le temps qui passe ne laisse que des bons souvenirs. Le « Regret » du passé  lui se fait « souriant »; un mouvement descendant , celui des années qui se penchent et un mouvement ascendant celui du Regret se rejoignent et contribuent à une atmosphère de grâce et de douceur. La fuite du temps, de la jeunesse, les ratages de la vie ne sont plus ressentis comme douloureux et inacceptables, le passé avec le temps ne laisse plus que de la nostalgie et du regret. En dernier lieu, arrive le spectacle le plus extraordinaire, la nuit s'étend doucement sur la ville.

• Cette nuit majestueuse semble une déesse immense et superbe qui s'avance avec lenteur et majesté avec :

« son long linceul traînant à l’orient »

                        on  on  in           an         an

    l    l        r        l    r

les coupes, la diérèse (Orient: trois pieds) allongent le vers, les sonorités liquides (l, r) et les nasales (on, in , an) marquent la douceur aérienne de son pas.: les notations auditives:

 « entends , ma chère, entends, la douce nuit qui marche »

  an  an    m   ch      an an            n        m   ch

 s'ajoutent au spectacle visuel : ce 2° vers est, lui aussi marqué par les  nasales( voyelles nasales (an), consonnes nasales (m, n) et les liquides (l,r, r), les fricatives (ch), des sonorités douces et voilées qui évoquent cette marche lente et majestueuse ds un bruissement de voiles.

• Mais Il y a une ambiguïté :le spectacle de cette tombée du jour et de la nuit qui arrive est peut-être aussi l’arrivée de la mort, qui seule apportera l'apaisement total et la nuit en est une sorte de préfiguration. Cette mort est douce car :« le soleil moribond » s’endort et le « linceul » de la nuit est magnifique, les Années « défuntes », « sur les balcons du ciel » n’ont rien d’angoissant et invitent le poète à les rejoindre ds un apaisement éternel. Et le recueillement du titre est aussi peut-être le dernier.


Ainsi à partir d’un état de spleen et d’anxiété, de dégoût, le poète atteint une sorte de sérénité grâce à la solitude, à la tombée du jour mais aussi au plaisir esthétique, celui de ce coucher de soleil sur les quais de la Seine. Le lyrisme se fait élégiaque et crée des images splendides ; la plainte devient chuchotement; cependant la fin est ambiguë car la nuit qui arrive et le recueillement religieux évoquent plutôt la mort que la nuit, une mort douce, attendue et libératrice.


Élégie poésie douce et triste, plainte.=> lyrisme élégiaque : lyrisme où la tristesse s'exprime sans cris ni violence mais avec une douce plainte.

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