Texte n°2 - plan

Conseil tenu par les Rats

Dans les six premiers livres des Fables, LF s'inspire non seulement du grec Esope et du latin Phèdre, mais aussi de poètes français antérieurs. La fable 2 du livre II est reprise d'Eustache Deschamps, un poète français du moyen-âge qui raconte dans une ballade l'histoire de rats qui ont décidé de mettre une sonnette au chat qui les terrorisait pour prévenir de sa venue. Eustache Deschamps puis La Fontaine, par ce biais, font la satire des beaux parleurs et de leurs belles paroles qui ne sont pas suivies d'effet. 

En quoi cette fable est-elle une satire ? 

C'est ce que nous verrons en étudiant le contexte burlesque de l'histoire, puis l'opposition entre l'apparence et la réalité. Et enfin la morale et la généralisation de la satire aux hommes.

I. Le contexte burlesque : une geste héroi-comique

A. En apparence, une épopée.
a) un héros guerrier à la force et la rapidité hors du commun/des ennemis nombreux morts ou terrorisés. "Déconfiture" rime avec "sépulture" et renforce l'idée de carnage. Un ennemi innombrable, un peuple tout entier: "la gent".

b) Un nom latin dont la longueur ( 4 syllabes) et la terminaison en -us évoque la respectabilité et la noblesse.

c) un être  au pouvoir quasi surnaturel, "un diable" disent les rats, qui se bat seul contre tous : le mot est mis en valeur par l'antithèse "chat"(fin premier hémistiche qui s'oppose à "diable"( même place ds le 2° hémistiche).

d) "un galand", un être raffiné qui, après la bataille va chercher l'amour "au loin",  "sa dame". Nous sommes dans l'atmosphère du roman courtois.

B. En fait, une réalité triviale.
a) un gros matou, des rats, "des trous" à rats.

b) un nom qui évoque son physique de façon bien prosaïque : un  chat bien nourri et gras : Ronge-lard.

b) un chat de gouttière en rut sur un toit, plutôt qu'"au loin", il est "au haut" ! (répétition bouffonne :(O O); il fait un bruit épouvantable, il a une conduite obscène, " un sabbat".

Nous sommes bien dans un univers burlesque, une réalité triviale exprimée avec le langage plein de noblesse; la deuxième partie appartient au même registre.

II. La satire des beaux parleurs : opposition entre l'apparence et la réalité.

A. L'apparence : une assemblée sérieuse et responsable, réunie pour un sujet d'une importance extrême : " la nécessité présente" qui met en péril le salut d'un peuple tout entier.

- solennité de la réunion mise en valeur par le vocabulaire : " tint chapitre", .

- respectabilité de l'orateur, le personnage le plus âgé et le plus sage, le "doyen".

- éloquence et assurance : ton didactique," il fallait" "opina" : verbe qui vient directement du latin (et qui a donné le mot opinion). Le discours indirect résume ce discours ("opina que"... "et que..."), il met en évidence la simplicité et la rapidité de la solution proposée : "ainsi"  marque la conséquence immédiate et logique.

-  réaction enthousiaste " chose ne leur parut plus salutaire" et unanime : "chacun" , repris par " à tous "; on croit entendre le commentaires louangeurs et les applaudisssements de l'assemblée.


B. la réalité tout à fait opposée et donc très comique.

- caractère ridicule et irréalisable de la proposition; des paroles déconnectées de l'action; donc un orateur stupide qui s'écoute parler. Le fabuliste commente de façon moqueuse : "la difficulté fut d'attacher le grelot".

-  immédiatement après, en privé, par derrière et individuellement  ("l'un", "l'autre"), refus catégorique d'agir, réaction de bon sens paysan "je n'y vas point" (déformation campagnarde de "je vais"), mis en valeur par le discours direct qui transcrit les paroles exactes des participants; une réaction qui s'oppose en tous points à leur unanimité précédente.


III. la moralité : la satire  des hommes

a)  le reproche fait par LF : opposition paroles-action exprimée par l' opposition de termes et similitude des sonoritéss "déliberer/exécuter)(la similitude des sons met en valeur l'opposition du sens).

b) généralisation; passage des rats aux hommes d'Eglise, puis à "la cour" mais en fait à toutes les personnes qui ont ce type de comportement. Le moraliste prend directement la parole :"j'ai maints chapitres vus /qui pour néant se sont ainsi tenus" et fait part de son expérience et de sa condamnation amusée. 

b)  c'est d'abord une attaque impertinente envers l'Église : le mot  "chapitre", (conseil de personnalités religieuses) et le mot "chanoines"(" dignitaires de l'Eglise) contiennent le mot "chat", ce qui les animalise et les relie directement à l'apologue : ils sont concernés en premier chef par le comportement dénoncé par le fabuliste. 

c) puis dénonce aussi "la cour" et donc les personnes qui ont la responsabilité de l'Etat. Mais le mot peut aussi être pris de façon métaphorique et désigner toute assemblée qui doit prendre une décision.

Donc cette fable est une satire très drôle du comportement des hommes (plutôt que des moines seulement). LF s'amuse à brosser un contexte burlesque qui fait se côtoyer la réalité la plus prosaïque et la grandeur de l'épopée et ensuite oppose ironiquement la prétention et la boursouflure des propos à l'inaction totale qui suit, sans la moindre tentative de mise en pratique. Dans cette fable, la parole n'a aucun pouvoir, elle est creuse; elle est là pour faire illusion pour  cacher l'incapacité à agir véritablement.

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La Fable  : 

Conseil tenu par les Rats

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